Visiter Lisbonne
Églises

Lisbonne intra-muros compte près de soixante églises (y compris couvents, basilique, panthéon), qu’il serait impossible de décrire toutes : nous avons mentionné ici celles qui nous touchent par leur atmosphère, leur esthétique, leur architecture, ou encore leur magie.

Église de São Domingos : poignante et maudite

L’une des toutes premières églises de Lisbonne, ayant contribué à la projection des murs de la ville hors de la colline du château, elle est emblème du tragique de l'histoire portugaise. Maudite pour avoir été l’église des esclaves, du massacre des juifs convertis et pour avoir regardé brûler devant elle les autodafés de l'inquisition, elle fut ébranlée par les séismes, noyée par les eaux du Tage, lacérée par les flammes. Chaque fois reconstruite avec faste – enluminures, sculptures, dorures, argenteries et peintures réalisées par les plus grands de leur temps –, elle céda enfin devant le destin : de sa cupidité flamboyante, il ne reste aujourd’hui que des colonnes cendrées, un sol de marbre glacial et une voûte rouge de sang. Dans l'obscurité des décombres, le silence commande les visiteurs, désemparés devant la grandeur d'un passé déchu : c’est cette irrespirable nostalgie qui en fait l’une des églises les plus touchantes, les plus humbles et les plus fréquentées de la ville.

Église de Santo António : souriante et malicieuse

L’évocation de Santo Antonio suscite habituellement un sourire chez les Lisboètes qui savent la malice du saint patron du Portugal. A mille lieux de l'humilité des ordres mendiants, Saint Antoine le franciscain, loué à travers toute la ville au mois de juin, a vu s’ériger sur son lieu de naissance cette église chaleureuse et festive, ce que ne laisse pas présager sa façade d’hôtel particulier. On y célèbre les mariages de ceux qui ont lui ont confié le soin de leur trouver un partenaire de vie, on y distribue le pain de Saint Antoine, on y trouve des statuettes à enterrer la tête en bas, on confie ses maux aux mains du thaumaturge dont on attend les miracles les plus improbables. L'intimité de ses proportions intérieures, la vivacité de ses marbres colorés, ainsi que les dorures de son cœur rococo, participent de la ferveur enthousiaste qui enveloppe ce saint, et qui culmine chaque 13 juin par une procession en son honneur.

Cathédrale Sé : royale et tellurique

Doyenne des églises de Lisbonne, il s’agit aussi du premier centre civique de la cité chrétienne : au moyen-âge, les réunions du conseil de la ville se déroulaient sur son parvis, et nombre de mariages royaux et couronnements y furent célébrés. Le jeune Fernando de Bulhão, futur Saint Antoine, y fut baptisé en 1195 et y étudia avant de rejoindre les ordres. Au premier abord, l’édifice déroute par le foisonnement des styles qui le caractérise : un portique roman à frise manuéline, une rose, quelques gargouilles gothiques sur des tours d’aspect médiéval. A l'intérieur également, sous l'apparente sobriété propre aux vieilles églises romanes, une véritable foire aux époques : une chapelle ornée de faïences du 16e siècle, un sarcophage royal du 14e siècle, une autre chapelle néoclassique et rococo du 18e siècle, et enfin, son trésor le plus précieux, les reliques du patron de Lisbonne, Saint-Vincent, rapatriés ici en 1173. Mais le visiteur n’est pas encore au bout de sa surprise, car c’est une cacophonie archéologique qui l'attend dans le cloître : sous le sol de la cathédrale gisent les pierres rouges et blanches de l’ancienne grande de mosquée de Lisbonne, sous elle encore apparaît le temple des prédécesseurs wisigoths, puis celui des romains, et enfin des vestiges phéniciens. C’est la somme de ces anachronismes qui donnent du panache à cette Sé.

Église de São Roque : pédante et érudite

Construite au début du 16e siècle sur la colline du Bairro Alto, alors lieu de sépulture des pestiférés, le roi avait demandé qu'on y rapatrie les reliques de Saint Roch sises à Venise. Ce saint homme originaire de Montpellier, protecteur entre autres des pèlerins et des paveurs de rue, avait assurément sa place à Lisbonne. Bâtie sur le modèle des églises jésuites des villes coloniales portugaises du Brésil et d'Extrême-Orient, elle ressemblerait à une salle de classe si elle n'abritait pas les plus somptueuses chapelles du pays. En l’occurrence, il s’agit d’un véritable musée : faïences du 16e siècle, peintures de prestige, mais surtout, le chef d’œuvre d’art baroque que constitue la chapelle Saint-Jean-Baptiste, édifiée à Rome en 1742, démontée puis rebâtie à Lisbonne. L’église fonctionna pendant les 200 années les plus glorieuses de l'Ordre, jusqu'à l'expulsion des jésuites du Portugal par le Marquis de Pombal en 1759. Elle sera concédée à la Santa Casa de Misericórdia, la plus grande banque alimentaire religieuse du pays, qui en est l'actuel propriétaire.

Église de Nossa Senhora da Saude : vulnérable et touchante

La place Martim Moniz est née de la destruction de tout un quartier populaire dans les années 50 : Salazar, décideur autoritaire à cette époque, avait néanmoins des goûts raffinés puisque non seulement il préserva cette église de la démolition, mais elle aurait été sa préférée. Sa façade sobre, dont le reflet est incrusté dans la chaussée par des pierres basaltiques, est antérieure au grand séisme de 1755. Ne pas se fier à sa modeste apparence : à l’intérieur, ses murs sont couverts de belles faïences bleues et blanches, deux vieux autels en bois serpentent vers le plafond peinturluré, et les dorures de sa chapelle ornent l’image de la sainte patronne des lieux, Notre Dame de la Santé. C’est à elle qu’est dédiée la plus ancienne procession de la ville, instaurée au 16e siècle alors que la peste menaçait régulièrement la capitale. Egalement protectrice des rois, reines, princes, nobles, militaires et méritants, les lisboètes vouent une dévotion sans faille à cette vieille Dame, et son temple jamais ne reste vide.

Église de São Cristovão : mystérieuse et rescapée

Il y a peu de temps encore, les pluies d'hiver s'y infiltraient par le toit et les paroissiens se désespéraient de vendre des pâtisseries pour financer de nouvelles tuiles. Il y a peine à croire qu’on parle là de l’une des rares églises ayant été miraculeusement épargnées – murs et œuvres – par le grand tremblement de terre de Lisbonne. Éblouis par la blancheur de sa façade maniériste, il faut franchir son portail et attendre que la pupille s’élargisse à nouveau, pour que ses ombres révèlent l’une des plus charmantes intimités de la ville. Les faïences, le marbre blanc et rose, et les luxuriantes peintures à l’huile du 17e siècle, ornent tout l’espace de ce temple, depuis les plafonds boisés jusqu’aux moindres recoins des chapelles. Et du mariage de l’esthétique et du silence s’opère la magie des lieux.

Basilique d'Estrela : lunaire et tragique

La sortie sud du charmant jardin d’Estrela ouvre sur la basilique du même nom, dont la chaleur blanche de l’imposante façade néoclassique éclipse de suite les ombres et la fraîcheur végétales. Coiffée de ses coupoles, on la confondrait presque avec une église orientale. Sa construction émane d’une tragédie toute royale : édifiée en reconnaissance de la venue au monde d’un héritier à la couronne, celui-ci mourra de la variole avant même son achèvement. Cette destinée fataliste explique sans doute la rigueur de son architecture intérieure et son atmosphère dévote : amplitude de l’espace et froideur des marbres aux couleurs blafardes, qu’accompagnent les statues de grands chrétiens mystiques, tels Sainte Thérèse d'Avila ou Saint Jean de la Croix. La basilique compte également deux splendides orgues du 18e siècle et héberge une Schola Cantorum , école qui s’efforce de raviver la pratique des musiques liturgiques, dont la tradition s’est perdue au Portugal.